→ Le texte et exécutions
Rire matinal du lendemain
musique pour violoncelle
dédier à → Matthias Lorenz

durée approx. 22 min.
comp. & première exécution 1997
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→ Enregistrement 2005 Dresden, Matthias Lorenz - vc
Cette œuvre musicale est composée de 22 morceaux qu’on peut exécuter aussi séparément, la composition s’offre à toute sorte de combinaisons.

Introduction


On ne peut comprendre le temps – la vraie matière de la musique – qu’en prenant en considération sa double nature, son ambiguïté paradoxe car le temps paraît toujours en tant que point (ou succession de points) et espace, instant et durée, moment et laps de temps, changement et continuité, Cairos et Cronos. Le point de départ de la composition est la tâche de manifester cette double nature du temps dans tout le matériel musical et dans son épanouissement, dans la façon de manier l‘instrument, dans la conception temporelle et formelle, dans l’ordre des sons et enfin, à travers la notation, dans la manière de jouer - et tout cela sans vouloir dissiper le paradoxe mais pour le conserver dans le matériel musical qui le rendra perceptible, audible, visible.
Par conséquent, la méthode choisie prend en premier lieu les gestes instrumentaux comme point de départ. Je reitre neuf gestes instrumentaux de leur structure hiérarchique, je les sors du contexte habituel. En isolant ces gestes je les mets dans un nouveau contexte en tant que contrepoints indépendants égaux en droits.

Tout ceci entraîne des conséquences importantes:
Le musicien doit complètement changer sa façon d’étudier. Pour moi c’était une expérience captivante d’assister aux études de Matthias Lorenz qui a été le premier à exécuter le morceau.

Mais rentrons aux neuf dimensions des gestes musicaux:
Il y a une structure contrapuntique sérielle dont la „série” ne se constitue pas de points (limites) mais d’intervalles gestuels. L’interaction des éléments gestuels enlève partiellement le contrapuntique, il en résulte des mouvements qui ont un caractère vectoriel. Ceux-ci se transforment en gestes contenant - à cause de leur fondement contrapuntique - un paradoxe, à savoir instant et durée en même temps. Dû à cette contradiction, les nouveaux rapports entre ces gestes instrumentaux se trouvent dans un état permanent de fragilité, leur sens est mis en question à partir du moment de la constellation suivante. Quant à l’ordre des sons, la série des intervalles gestuels est tout simplement adaptée. Chacune des 22 parties travaille un seul intervalle de la petite seconde jusqu’à la grande septime en montant et en descendant. Cependant, en comprenant un intervalle dans son ambiguïté - en tant qu’état et espace de temps -, l’ordre des sons est près de se mettre lui-même en question. Ainsi que les gestes musicaux qui s‘entremêlent et changent de caractère les intervalles eux aussi prennent un caractère vectoriel ou bien deviennent des points limites pour des mouvements. Entendre le son ou ne pas l‘entendre - c‘est devenu un cas limite.

Contrairement à la hauteur des sons qui est plutôt additive aux mouvements, ce sont la vitesse et la densité qui influencent la qualité des gestes. Etant donné que la durée des morceaux individuels est fixée respectivement entre 12 secondes et 13 minutes ce qui veut dire qu’ils se situent eux-mêmes entre instant et laps de temps, on voit bien la richesse des possibilités qui en résulte en ce qui concerne la densité et la vitesse, pour différencier le plus possible les figures gestuelles.
Les 22 morceaux sont organisés dans quatre groupes: 1—7, 8-12, 13-18, et 19-22. Les quatre groupes esquissent une paire de ciseaux du point de vue de la vitesse, de la densité et de la durée, les deux premiers groupes partant de deux extrêmes pour aboutir à un centre, et vice versa dans les deux derniers groupes. Les morceaux dont ces groupes sont composés forment, eux aussi, l’esquisse d’une paire de ciseaux. Cette forme dérive de la série des intervalles gestuels, l’analogie est encore soulignée par la modification des vitesses dans tous les morceaux des deux groupes centraux. Cette réplication d’une structure qui relie symboliquement des extrêmes et maintient la contradiction et le paradoxe de la plus grande jusqu’à la plus petite échelle et dans tous les domaines du morceau, donne à la structure-même le caractère ambigüe d’un objet se trouvant en même temps en continuité et en transformation. Par là, la fragilité des rapports entre les mouvements gestuels s’est transposée sur la composition entière, il est possible que par là la composition elle-même se transforme en une question.

Le titre joint deux éléments reflétant l’idée fondamentale de la composition: „Morgen” ayant deux significations: c’est „le matin”, le moment de l’aube qui signifie l’heure du renouveau, ainsi que „demain”, un mot qui donne le pressentiment d’ une suite éternelle de lendemains dont la continuité laisse entendre le cauchemar d’un avenir identique au présent, et „Lachen”, le rire, une de ces dispositions de l’homme lui permettant d’accepter le paradoxe du temps et des lendemains de l’existence humaine, de le concentrer dans un instant, de le supporter.


Le texte


La citation suivante, un extrait du drame shakespearien „Macbeth”, précède la composition:

Demain, et puis demain, et puis demain encore
à pas menus avancent, coulant de jour en jour vers
l'ultime syllabe des annales du temps,
et nos hiers n'ont tous éclairé que des sots
sur le chemin qui mène à la mort poussiéreuse.
Eteins-toi donc, brève chandelle!
La vie n'est qu'une ombre qui passe, un pauvre acteur
qui parade et s'agite pendant son temps sur scène
et puis qu'on n'entend plus.
C'est un récit conté
par un idiot, rempli de bruit et de
fureur, qui ne signifie rien.

(Traduction: Jean-Claude Sallé, éditions Bouquins- Robert Laffont)


Exécutions


Première exécution:
Le 23 julliet 1997: au Hoechster Schloßplatz Francfort-Höchst; Matthias Lorenz - vc

Exécutions suivantes:
Le 8 mai 1998: au conservatoire de Rostock
Le 12 mars 2000: au Francfort-sur-le-main, Denkbar; avec une conférence de → Nik Haffner, danseur
Le 12 mai 2000: au conservatoire de Wuppertal
Le 16 mai 2000: Francfort-sur-le-Main, dans l’atelier du luthier Simon Natalis Enke
Le 12 mai 2005: à Dresden, au Kulturrathaus
Le 17 avril 2009: à Oldenbourg, à l’université Carl von Ossietzky