→ Exécutions und Critique

au bord me trouve, concentrique

musique pour percussion, quintette à cordes et orchestre
Décerner à prix de la composition de le Cercle culturel de l’union fédérale
de l’industrie allemande et par l’Association de la musique nouvelle 1991


durée approx. 16 min.
comp. 1990, Première exécution 1991
→ Téléchargement pdf 2141 kB
→ Enregistrement 14.11.1991 Leverkusen,
Robyn Schulkowsky - perc., Bayer Philharmoniker, Rainer Koch - chef d'orch.
Distribution de orchestre: 3 flûtes (1. & 2. aussi picc, 1. aussi c#5-tuyau d'orgue), hautbois, cor angl., 3 clar. (1. aussi As-clar picc., 3. aussi clar basse), 2 bass. (2. aussi contrebass.) / 4 cors, 3 tromp., 2 tromb., tromb. contrebasse, 1 tuba / Solo perc. (3 gr. caisse, caisse claire, caisse roul., 4 tom-tom, 4 bloc de bois, 4 tom-tom de bois), timp, jeu de timbres, harpe / quintette à cordes: 2.1.1.1. / cordes

Introduction


La génération d’après-guerre nous a laissé un étrange héritage. Les prétentions de l’Avantgarde, une accumulation de critères de validité établis plutôt par les théoréticiens que par les compositeurs de la musique nouvelle et qui paraissent fortement contestables car ils n’ont été que rarement justifiés, tout cela a mené à la situation suivante: les auditeurs ne croient plus leurs oreilles, discuter de musique s’avère plus ou moins impossible, on trouve un décalage considérable entre les suppositions et la réalité en ce qui concerne la vraie portée sociale de la musique.
Il me semble que le malentendu est dû en grande partie aux énoncés que l’école de Francfort a élaborés au sujet du „materiau musical” et du développement historique de celui-ci. De prime abord, ces énoncés s’adressaient contre une conception non-historique de la musique qui part de l‘idée qu’il existe, au moment de la création musicale, une position absolue en dehors de l’histoire et en dehors de la société – une conception erronnée, bien sûr. Mais du même coup on formulait une nouvelle position „absolue”, liée à l’idéologie du progrès selon la mentalité bourgeoise sous le capitalisme, comme si l’art en soi ne pouvait pas refléter exactement cette idée du progrès. Même si, de nos jours, une musique issue de toutes les époques historiques manifeste sa présence et, certes, rend caduque cette conception d‘un progrès, on ne peut pas renoncer à discuter des deux positions mentionnées, étant donné qu‘ elles sont toujours présentes.
Au fond la question est de savoir si la raison et le sentiment existent séparément.
Justement, le fait que ces deux éléments sont indissociablement liés dans la musique lui donne, à mon avis, sa qualité exceptionnelle. On ne doit ni comprendre la musique comme une affaire purement sentimentale n‘ayant aucun rapport avec des questions intellectuelles, structurelles, constructives, voire mathématiques, ni réduire la musique à ces mêmes aspects. Dans les deux cas on perdrait l’essentiel. De nos jours, on trouve maintes fois des exemples de cette espèce de musique amputée. Je m’en tiens à l’idée ancienne que l’art est inexhaustible, ce qui veut dire qu’une œuvre d’art peut épanouir et émouvoir pareillement les sentiments et la raison, que le tout est plus qu’une addition de ses parties, ce qui fait que toute œuvre d’art s’ouvre toujours à des nouvelles découvertes. Alors je ne pense pas que ce soit vraiment possible de diriger une composition uniquement par la raison.

Tout ce que je vous transmets ici au sujet de mes compositions n‘est, par conséquent, qu’une vue partielle des aspects envisageables, et naturellement il s’agit des aspects qui s’offrent plus aisément à l‘ expression verbale – ce qui veut dire que je parle des domaines structurels et rationalisés du travail tout en sachant qu’ils ne reflètent peut-être pas ce qui est vraiment essentiel dans une composition.
C’est pourquoi je suis curieux d’apprendre ce que les autres pourraient découvrir dans mes compositions et je vous saurais gré de bien vouloir m’en faire part.

Dans le morceau au bord me trouve, concentrique ce sont avant tout trois domaines musicaux dont je me suis approché.
La composition est basée sur une structure simple:
5-1-2-5-1-5-2-1-5 qu’il faut comprendre aussi bien en tant qu’une suite d’intervalles qu’une suite de rythmes conntinus. La suite des intervalles donne un accord symmétrique de 10 sons qui apparaît aussi sous forme renversée 7-11-10-7-11-7-10-11-7.

Similaire au procédé que j’ai suivi à plus petite échelle dans la composition Aposiopesis - musique pour violoncelle je me consacre ici plus particulièrement aux sons qui se précipitent dans l‘élément du temps et au temps qui se fond dans la profondeur des sons. Par là je combine les procédés de variation traditionnels – c.-à.-d. la forme miroir, la forme rétrograde, la diminution, l’augmentation - d‘une autre manière en vue de l’aspect du temps et des intervalles de façon que les dimensions de la notation des hauteurs ( la verticale) et du rythme (l’horizontale) s‘entremêlent et génèrent tous les degrés et toutes les nuances disponibles de l’échantillon des rythmes et des sons.



Un accord (1) se transforme en un événement musical dans lequel des glissandos descendants (2)- partant toujours d’une note supérieure - s’ensuivent, ou bien il se transforme en une succession rythmique de clusters identiques (3).

Dans ma composition le principe dont je présente ici un modèle simplifié est appliqué de façon beaucoup plus complexe aux cinq parties orchestrales. Par là je vise à des liens de plus en plus resserrés entre les points singuliers qui portent toutefois en eux le moyen de mobilité sur la courbe de l’ellipse spatio-temporelle.

Chacune de ces cinq parties comprend des composantes librement ajoutées, les „vagabonds”.
Au début et à la fin les deux accords se présentent comme des sons soutenus dont la mélodie de timbres est structurée. Les autres parties se constituent des restes qui résultent des rotations excédentaires, avant tout les soli de la percussion.

Deuxièmement je m‘occupe de la texture sonore des sons soutenus. Faire varier un son en diversifiant ses composantes dynamiques, mettre en relief ou voiler l’un ou l’autre des éléments composants d’un son, faire voyager les accords de timbre d’un groupe d’instrumentalistes à l‘autre, créer un mouvement intérieur à travers différentes formes du vibrato, faire varier les qualités bruiteuses, voilà les procédés dont je me sers de reprise dans la composition.
On comprend souvent ce mouvement intérieur comme un moment psychologique. Or, pour moi une autre pensée est plus concevable: C’est le sentiment de vivre dans un monde dans lequel les changements pressants ne se réalisent pas, car il paraît impossible de surmonter les obstacles dûs à un état d’inertie dans un monde qui se compose de contradictions insupportables et insensés et dans lequel rien ne bouge - malgré toute évidence. Au moment de la composition ce sentiment était lié à ma situation personnelle cinq ans après avoir rompu avec mon métier d’ébéniste pour commencer des études de musique et de composition. Il s’agissait pour moi d’un changement fort existentiel, néanmoins j’ai retrouvé à l’université, au conservatoire et dans la vie de musicien des restrictions tout à fait semblables à celles que je voulais fuir en quittant le métier d’ébéniste, des restrictions qui s’opposent à toute aperception impartiale et ouverte, parce qu’on cherche uniquement à trouver des classements, à repérer des fonctions quelconques ... A l’époque, je l’ai exprimé de la manière suivante: „on n’écoute plus vraiment; mais dans l’incapacité de s’émerveiller et de se laisser plonger dans la confusion il n’y aura jamais rien d’étrange, rien de nouveau, il n’y aura rien d’émouvant à découvrir.”
La tentative de trouver une expression musicale pour cet état d’inertie qui est pourtant effervescent et brûlant dans son for intérieur m’a incité à me servir de la structure décrite ci-dessus.

S’ajoute à cela un système continu de relations temporelles 12:9:4:8:12 constituant la disposition architecturale de la composition.
Il en résulte des rapports internes des parties individuelles à travers leur substance qui, elles, entrent dans un système temporel qui s’impose à elles tout en les séparant en même temps. L’exploration de telles relations temporelles - utilisées de même dans le morceau pour piano Tagtraumgewölbe” – résulte de la perception que l’on vit entourés de différentes vitesses qui existent simultanément, elle est étroitement liée à cet état d‘ inertie des timbres immobiles / des sons soutenus.

Pouvoir rencontrer Robyn Schulkowsky , pouvoir travailler avec elle et avec l’orchestre synfonique Bayer c‘ était bien sûr pour moi une expérience profonde et riche en conséquences. Pour cette composition, le cercle culturel de l’industrie allemande dans le BDI et l’association pour la musique nouvelle m’ont attribué le prix de la composition, ce qui m’a confirmé merveilleusement dans mon travail.


Exécutions


Première exécution:
Le 14 novembre 1991: Concert symphonique au Erholungshaus Leverkusen, → Bayer Philharmoniker, → Robyn Schulkowsky - perc., → GMD Rainer Koch - chef d'orch.;
Live enregistrement: Tonstudio op. 80, Torsten Wintermeier, Francfort-sur-le-Main

Exécutions suivantes:
Le 15 nov. 1991: Répét. de 14. November 1991
Le 16 février 1992: Répét. générale publique et
Le 17 et 18 février 1992: Concerts symphonique au Staatstheater Oldenburg; → Axel Fries - perc, → Oldenburgisches Staatsorchester, → Georg Schmöhe - chef d'orch.

L’émission radio:
Le 27 octobre 1993: à la chaîne de radio Brême 2

Critique


Article de journal du 19 février 1992 au Nordwestzeitung, quotidien de la ville d’Oldenbourg, au sujet du concert du 17 février 1992

„Oldenburger Komponisten im 6. Konzert des Staatsorchesters
Werke von Schmidt-Mechau, Poser, Berlioz und Brahms”
de → Werner Matthes

Oldenburg. (...) „main-d’œuvre“ dans un autre sens, mais sans être moins artistique, voilà un trait caractéristique du morceau du compositeur Friedemann Schmidt-Mechau „au bord me trouve, concentrique”, musique pour batterie, quintette à cordes et orchestre, une composition couronnée dans l’année précédente du prix du cercle culturel de l’industrie allemande dans le BDI, et qui a connu sa première exécution à Oldenburg. Des points de tension maximale, des contrastes extrêmes, des blocs statiques et des césures reprises servant en tant qu‘élément structurant, des formules musicales qui donnent l’impression de transgresser des barrières, isolation et isolement aussi bien qu‘ intégration, tout cela forme le caractère contradictoire d’une œuvre qui expérimente avec des ligatures dissonnantes, des clusters, des sons multiphoniques, en les enrichissant d’émotions, en les transformant en geste sonore (la plupart du temps à travers des glissandos descendants) pour qu’on puisse les ressentir en les écoutant - peut-être en tant que métaphore pour des rêves, pour des souffrances qui se manifestent dans le temps. Friedemann Schmidt-Mechau déploie une substance artistique qui engendre une certaine suggestion, elle touche, elle soulève et souligne en même temps l’effet particulier de cette œuvre parcellée en petits épisodes, une œuvre qui veut évidemment paraître antidramatique. Avec virtuosité, Axel Fries a maîtrisé la batterie. Avec une circonspection extraordinaire - qui était d’ailleurs demandée en ce moment-là - Georg Schmöhe a dirigé le grand orchestre d’Oldenbourg qui pour sa part a su réagir d’une manière souple et flexible. (...)