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Introduction
Pouvoir faire une composition pour des musiciens si merveilleux, c’est vraiment un plaisir.
Toute une série d’événements musicaux de cette composition est née
pendant des discussions avec ces musiciens par exemple à la suite d‘une petite remarque
ou bien ils sont issus d’une expérience partagée. Il y avait par exemple une
discussion avec Matthias Lorenz sur Joseph Haydn et sa manière de traiter des auditeurs
en éveillant d’abord une certaine attente- pour ensuite décevoir celle-ci en
surprenant les auditeurs. Il s’agissait également de la question si cette attitude
serait possible même à nos jours. On ne parvenait pas tout à fait à
tomber d’accord. Je me livrais assez rapidement à quelques réflexions sur les
manifestations Fluxus.
Quoiqu’il en soit, un compositeur de nos jours risque de toute évidence de se couvrir
de ridicule s’il adapte des méthodes qui existent depuis 40 ans en disant ensuite qu’il
a franchi des frontières ayant découvert cette nouvelle méthode. Au moment
d’intégrer des éléments dramatiques, performatifs, scéniques dans
la musique, on est loin de franchir des frontières, au contraire, on respecte et
protège quelque chose de précieux dont on a hérité.
Cependant, quand on se rend compte de cette renaissance des rituels qui se manifeste dans les
concerts d’aujourd’hui il faut dire que cet héritage n’est point respecté – ce
qui est évidemment désavantageux pour ceux qui ne le respectent pas.
Alors pour moi il s’agit de réconcilier deux différentes approches historiques
(sans laisser de côté la mienne !), il en résulte la question si la
liaison, elle, pourrait être quelque chose au-delà de ces deux positions. La
réponse est peut-être oui en ce qui concerne Haydn, car le fait de s’interroger
sur l’attente des auditeurs ne s’arrête pas à la composition en soi mais implique
et remet en question tout le cadre de référence concert,
exécution, interprétation, composition.
Il en est de même en ce qui concerne Fluxus (en tant que position historique dans le
sens d’une attitude de refus, en fanfare, dans l’intention de provoquer), car l’action est
mise, certes, dans un cadre contradictoire mais sérieux ce qui chasse la
manière ostentatoire et une certaine attitude de refus sans faire disparaître
son caractère provocant.
La structure encadrante des Sept petits morceaux, elle, est relativement simple: Chaque
instrument a une série individuelle qu’il parcourt plusieurs fois en procédant
des permutations (cela va à l’encontre du principe de l’économie du
matériel, bien sûr, mais la différence entre les matériaux
crée tout simplement de plus belles concordances et discordances que dans une
seule série). Or, les cinq mouvements sont différents au regard de la
dimension des groupes sonores (un aspect évident donc très clair), au
regard de la création des sons et du point de vue de l’organisation de
l’exécution.
Ainsi le premier mouvement consiste exclusivement en groupes de cinq tons, on bat
uniquement sur les parties en bois des instruments, les musiciens commencent à
jouer simultanément pour continuer ensuite chacun dans son rythme individuel,
indépendant. Dans le quatrième mouvement il s’agit de groupes de trois
tons, donc là on trouve des séries se composant de quelques accords
très rapides, accentués ,qui sont répétés ou de
répétitions de doubles cordes, le tempo est le même pour les
trois musiciens, la mesure est rapide et constante. Dans le troisième mouvement
les groupes se composent d’un seul musicien, ce qui veut dire qu’il n’y a pas vraiment
de groupes etc. Dans le cinquième mouvement on trouve un éventail de tempi
qui sont utilisés des trois voix, il y a des correspondances avec les autres
voix.
Entre les mouvements il y a chaque fois une petite action. Après le premier
mouvement le celliste contourne une fois son instrument. A la fin du deuxième
mouvement, pendant que le violon est toujours en train de jouer, le pianiste s’adresse
au celliste en disant Cela donnerait quoi, D.Lös sans aucun
intérêt? Et à la fin du sixième mouvement le
violoniste va à la recherche de quelqu’un dans l’auditoire qui puisse
exécuter le septième mouvement à sa place.
Cette énumération de variétés peut déjà
illustrer que j’ai cherché une grande hétérogénéité
du matériel. L’essentiel, ce qui compte vraiment, a lieu – comme toujours - dans les
rapports entre ces positions hétérogènes. Et c’est à chacun –
encore comme toujours - de le trouver chacun pour soi-même.
Un mot de passe se trouve certainement dans les paroles qui sont intégrés
dans le cinquième mouvement dont la signification, à cet instant,
n’est compréhensible qu’aux musiciens. Il s’agit d’une citation d’un texte de
Massimo Cacciari, Chronos apokalypseos - Le temps de l’apocalypse.
Le texte
Mais - cette conception exactement, ne deviendra-t-elle pas notre chiffre: tenter
d’exprimer l’apocalypse de l’éphémère dans une langue, dans une parole
qui ne peut être ni mot du prophète, ni mot vivant?
Comme si le Moi qui se montre dans l’œuvre pouvait vraiment se transfigurer,
métamorphoser dans un Nous, à travers des machinations clandestines de son
langage, grâce à quelques souvenirs qui ne sont pas encore nés?
Comme si ce Moi pouvait promettre, à cause de sa solitude au temps présent,
l’arrivée de cet éclair qui enlie le mais dont nous sommes capables,
le promettre à un Nous dont nous ne sommes pas encore capables? Alors ne
sera-t-il pas notre devoir de prolonger l’écho de ce mais, comme si ce
Nous ne signifiait pas plus jamais, mais au contraire ne pas encore?
→ Massimo Cacciari:
Chronos apokalypseos - Le temps de l’apocalypse. dans: Le temps sans Kronos, Ritter Klagenfurt
1986, S. 37f.
Exécutions
Première exécution:
Le 18 octobre 2001: la maison de la culture, Drèsde; → trio à piano elole:
→ Uta-Maria Lempert - violon, → Matthias Lorenz - violoncelle et
→ Stefan Eder - piano
Exécutions suivantes:
Le 20 octobre 2001 à Groß-Gerungs, Autriche
Le 19 avril 2002 à Odessa Festival
Le 14 juin 2002 à Coswig
Le 14 septembre 2002 à Eisgarn, Österreich
Le 20 janvier 2003 à Zurich, Helferei
Le 7 julliet 2004 à Drèsde, Albert-Hall
Le 28 octobre 2004 à Drèsde, Leonhardi-Museum
Le 5 octobre 2011 à Drèsde, Festspielhaus Hellerau
Le 9 octobre 2011 à Chemnitz, Neue Sächsische Galerie
Le 26 avril 2012 à Oldenbourg, Altes Gymnasium
Critique
Critique du concert du 18 octobre 2001 dans: Dresdner Neuste Nachrichten, le 22 Oktober 2001
Entre docile et imposé par la force
Soirée de musique nouvelle avec trio à piano, à la maison de la culture
de
→ Benjamin Schweitzer
Lorsque le celliste Matthias Lorenz entreprend un concert, on peut toujours s’attendre à
quelques expériences intéressantes. Pour leur projet le plus récent, Lorenz,
la violoniste Uta-Maria Lempert et le pianiste Stefan Eder avaient établi un programme
pour le trio à piano. (...)
La deuxième première de la soirée, Sept petits mouvements du
compositeur Friedemann Schmidt-Mechau a pourtant parfaitement trouvé sa place à
côté de ce morceau.1)
Une composition astucieuse, subversive, précise, dans laquelle on trouve des gestes
muets – comme par exemple une tendre rotation du violon ou un petit circuit autour du
violoncelle – ainsi que des moments ravissants dans lesquels on entend le battement sur les
parties en bois des instruments. Tout ceci s’intègre tout à fait d’une
façon naturelle, loin d’être recherché, faisant visiblement plaisir aux
musiciens. (...) Enfin cette instruction ironique pleine d’autodérision donnée
à quelqu’un dans l’auditoire de bien vouloir exécuter spontanément la
dernière partie du morceau ...
Du moins une fin marquée de sensibilité à une soirée de musique
de chambre dont la conception était un peu risquée.
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1) La critique parle ici du duo Intercommunicazione de Bernd Alois
Zimmermann qui avait été exécuté avant les Sept petits
morceaux.
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